SONDAGE "LA BIÈRE SANS ALCOOL ?" : "OUI MAIS… PAS SIMPLE !"
- Nathalie Vergier
- 24 juil.
- 3 min de lecture
Le phénomène du dry january encore anecdotique, il y a quelques années, est devenu viral. Les mentalités changent et les habitudes de consommation aussi.
Les industriels de la sphère brassicole y ont vu tout de suite un redoutable argument marketing et se sont engouffrés derrière l’historique Tourtel, vedette estivale des grandes surfaces.
Dans le milieu de la craft, les brasseurs ont été moins prompts à sauter le pas. Et ils sont encore peu nombreux à étoffer leur gamme d’une bière titrant en réalité à un taux inférieur ou égal à 1,2%, le seuil légal permettant d’afficher la mention sans alcool sur l’étiquette.
La raison à cela, des variantes aux process brassicoles classiques qui à l’échelle artisanale ne sont pas neutres économiquement si l’on veut obtenir une bière stable, avec un profil organoleptique digne d’une bière artisanale.
Beeniouze a saisi l’occasion du 3e festival Bières et Saveurs de Courthézon, le 6 juillet dernier, pour sonder les brasseurs locaux.
Il y a débat
Chez Fatch, la question interpelle Adrien et Chloé, même si pour l’heure, le couple qui démarre est focus sur la promotion de ses premières cannettes. «Il y a de la demande c’est vrai mais c’est délicat et ça implique un investissement». Pour les mêmes raisons, Stéphane Litou qui a ouvert sa brasserie B-Side il y a un an, a trouvé une parade : un komboutcha et une "hop water", une eau pétillante houblonnée, sans sucre, sans gluten et sans alcool.« C’est une excellente alternative. Les gens apprécient. C’est très sympa à faire et en plus, c’est bon pour la santé».
Maxime Suprin de la brasserie Les Dyades ne l’envisage pas pour une question de cohérence. « Qui dit bière sans alcool dit bière non protégée. Donc pour la sécuriser, nous serions obligés de passer par une pasteurisation sous-traitée en dehors de la brasserie. Et nous on aime bien tout maîtriser et rester dans un esprit local» explique le brasseur qui lui aussi a préféré se tourner vers les softs.
L’équipe des Ouailles du Luberon s’est lancé dans la bière sans alcool l’année dernière. Une deuxième recette est même dans les tuyaux. « On avait de la demande de la part des restaurateurs pour leurs clients qui prennent le volant» indique le patron Sébastien Trousse. Le tout premier brassin de la Grivette a fini dans la rigole mais le process est désormais maîtrisée. Avant d’être conditionnée, la bière fait un aller retour par camion frigorifique à Montpellier pour être pasteurisée.
Un sacré challenge
Anthony Rambault de la brasserie Boc, n’en propose pas pour une question de logistique. «J’y ai déjà réfléchi car je sais que ça intéresse certains de mes clients. Mais j’ai déjà une gamme étendue qui prend toute la place ».
Pour Arnaud Monin, co-fondateur avec Thibaud Payan de la brasserie Ameno, le concept n’est pas à écarter même si une gamme de soda et thé glacé est déjà commercialisée. « C’est comme tout, on peut y arriver en trouvant les bonnes méthodes, les bonnes levures. Mais c’est un sacré challenge quand même ! ».
Chez Benouz, la brasserie coorganisatrice du festival, la demande existe mais pas suffisamment pour que ce soit rentable. « Aujourd’hui, ça reviendrait pour moi à la faire faire par un brasseur équipé et c’est pas le but.»
« C’est bien si c’est bien fait et si ça ressemble à de la bière » tranche Fred, un amateur venu au festival pour goûter les bières locales.
Au Mas Ribelly installé à Entraigues, Ghislain Sévenier trouve le concept intéressant. « C’est quelque chose que j’aimerais faire. C’est un peu comme le vin. C’est fort et on ne peut pas en boire beaucoup. Pouvoir faire des bières peu ou pas alcoolisées sur des événements comme ce festival, ça permettrait aux amateurs de profiter davantage et à ceux qui ne peuvent pas boire d’alcool de déguster aussi. Mais ça nécessite des moyens qui ne sont pas évidents à mettre en oeuvre pour un petit brasseur comme moi. »
En majorité, les brasseurs ont choisi l’alternative du soft ou veille à proposer des bières peu alcoolisées et il y a matière là aussi à faire des choses intéressantes.
On peut également mettre en avant une autre démarche vertueuse qui vaut pour la bière artisanale et locale : consommer moins et mieux.