ON Y ÉTAIT ! CADENET SOUS PRESSIONS
- Nathalie Vergier
- 20 août
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 26 août
C’est devenu une tradition dans cette commune du Sud Luberon. Depuis 2021, début août, l’association cadenétienne Acepip (Association culinaire pour la Promotion de l’Identité provençale) invite villageois et visiteurs à se rassembler, place de la Mairie, pour savourer la douceur d’une soirée estivale et le savoir-faire des brasseries artisanales locales.
Elles étaient une huitaine cette année à faire cercle autour des tables dressées sous les platanes, en compagnie de plusieurs food-trucks. Plan B, le trio marseillais de reprises pop-rock qui a assuré trois heures de concert non stop impeccables, n’est sans doute pas étranger au succès de ce « Cadenet met la pression » qui s’est prolongé bien après minuit.
Beeniouze avait fait le déplacement et vous livre quatre portraits de brasseurs de ce bout du Vaucluse où la bière artisanale a ses adeptes. Après dégustation, on ne peut que leur donner raison.


LUCIEN DAZIANO, UN BRASSEUR QUI PARLE BOUCHER
BRASSERIE LIÈREBEM À CADENET
Le local de l’étape c’est lui Lucien Daziano, enfant du pays. C’est aussi grâce à sa rencontre avec Jonathan Gallois, président de l’Acepip qui promeut les traditions culinaires provençales, qu’est née l’idée de cette fête dédiée à la bière artisanale locale. Comme d’ailleurs l’ensemble des professionnels rencontrés ce soir-là, c’est en parfait autodidacte qu’il s’est lancé. « J’ai commencé en 2015, avec un kit que j’avais offert à un ami pour son anniversaire et je n’ai plus arrêté » résume-t-il. De petits brassins en petits brassins, à force d’entendre que ses bières étaient bonnes, il est passé aux cuves de 100 litres et a créé sa microbrasserie. La gamme Lièrebem se décline en trois couleurs. Blanche, rousse et la Lièrebem historique, une blonde qui titre à 5%. Maltée, levurée, avec des notes fruitées et la pétillance qui va bien, c’est une bière de soif parfaite, en attendant l’IPA dont le brasseur peaufine la recette. Lucien Daziano a monté sa brasserie il y a cinq ans tout en gardant son activité salarié de caviste à la coopérative de Cucuron. Brasser reste son « hobby » qu’il pratique le week-end, dans son « laboratoire » aménagé dans le hangar du paternel.
Quant au nom de sa brasserie, c’est tout une histoire, souvent méconnue de ceux qui n’habitent pas de ce côté-ci du Vaucluse. Si Lièrebem signifie bien « bière », ce n’est pas en patois provençal mais en Louchébem, argot inventé par les bouchers de La Villette, au XIXe siècle, quand ce quartier de Paris était encore celui des abattoirs. Le brasseur vous apprend qu’au XXe siècle, plusieurs de ces bouchers étaient descendus sur Pertuis pour se faire embaucher (ou se faire oublier…) aux abattoirs de la ville, alors en pleine expansion. Le Louchébem s’est ainsi propagé dans les cafés et les cours d’école du pays d’Aigues et s’est invité aussi dans le language courant (« loufoque », « loucede » sont de purs produits Louchébem). Sur Pertuis et autour, tout le monde ou presque en a entendu parler ou comme Lucien Daziano le parle toujours.
Infos : 06 22 63 46 50. @brasserie_lierebem.

CHRISTOFER GARCIA, BRASSEUR CHEZ L’APICULTEUR
BRASSERIE ÉPICENTRE À PERTUIS
Entre la Bastidonne et la Durance, avec les vignes et les pinèdes comme décor naturel, Christofer Garcia brasse depuis 2023 au sein de sa microbrasserie Épicentre. Mais c’est en amateur, dès 2015, qu’il a commencé et s’est donné le temps d’apprendre et de se perfectionner de blogs en forums et de vidéos en sites spécialisés. Après un premier brassin tout grain de 75l raté, le brasseur, encouragé par la réussite du second a continué à se perfectionner, d’abord sur des recettes de bières belges traditionnelles puis sur des bières de type craft américaine. En parallèle, il a tenu une cave à bières sur Salon-de-Provence où il a pu découvrir l’étendue de ce qui se fait de mieux en bières artisanales françaises et étrangères. Sa gamme 100% bio révèle d’ailleurs cette curiosité d’aller voir ce qui se fait de bien ailleurs. Elle est composée de trois bières de soif issues d’une fermentation haute : une Pale Ale brassée avec trois houblons néo-zélandais, espagnol et français, une blanche brassée avec de la camomille en plus de la coriandre classique et du blé cultivé à Meyrargues (13), une Dry Irish Stout, autrement dit une noire « moins sur le café et plus grillée » que la Guinness. Deux bières spéciales complètent la gamme : la Thymbrée, une ambrée au thym de la brasserie, une vraie bête à concours qui a déjà raflé deux médailles et la Secousse, une IPA brassée avec deux houblons néo-zélandais, l’un sur les fruits à chair blanche, l’autre sur les résineux. Une troisième saisonnière devrait voir le jour bientôt, au miel cette fois, dans le cadre d’une nouvelle collab’ avec son associé. L’apiculteur chez qui il a installé sa microbrasserie et avec qui il a déjà produit un hydromel classique et un hydromel pétillant très peu alcoolisé, proposé à la pression le soir du festival, une merveille !
Infos : 06 02 46 57 55. https://brasserie-epicentre.com.

VALENTIN SIMON, BRASSEUR DE STYLES
BRASSERIE NOMADE LA BAROUDE
Valentin Simon a baptisé sa brasserie La Baroude, parce qu’avant de devenir maître-brasseur, il a beaucoup voyagé. Il a aussi voyagé dans les idées et la pensée au cours de ses études de philosophie. Et c’est pour s’ancrer dans le réel qu’il s’est lancé dans le brassage de céréales. « J’avais besoin de retrouver la matière, de remettre les pieds sur terre. J’étais passionné par l’alcool, les aromatiques et je me suis rendu compte qu’avec la bière, on pouvait faire des choses encore plus folles qu’avec le vin et ça m’a passionné ». À la fin de ses études de philo, la bière s’est imposée. Il a créé sa première gamme, Mézingue, comme « mets » et « zinc », dans un esprit accords mets-bières, huit bières que l’on peut à la fois déguster seules ou en mangeant, des bières de style pour se démarquer du trio classique blonde, blanche, ambrée. Comme sa Belgian Strong Ale que l’on peut boire avec un Bleu d’Auvergne ou sa Winter Beer, parfaite avec une fondue savoyarde. Ses bières historiques qu’il a commencé à commercialiser en 2019 et qui ont trouvé leur public d’aventuriers du goût. À tel point qu’il a été obligé d’abandonner son petit matériel pour brasser de plus gros volumes chez d’autres brasseurs suffisamment équipés.
Baroudeur, Valentin Simon l’est finalement redevenu puisqu’encore aujourd'hui, il exerce ses talents comme brasseur nomade, en attendant de trouver un local autour de Pertuis pour se sédentariser.
Il a lancé une deuxième gamme qui réunit jusqu’à sept bières de style, 100% bio, travaillées en circuit-court avec des malts et des céréales locaux ou français comme sa Gose, bière acide travaillée avec des kiwis fournis par Local en Bocal, conserverie avignonnaise qui revalorise les fruits et légumes locaux mis au rebut. Cette gamme s’appelle Roquepertuse du nom de la cité gauloise, mise au jour sur la commune de Veleaux (13) à une quarantaine de kilomètres de Pertuis, où les archéologues ont retrouvé des traces de brassage de bières datant du IIIe siècle avant JC...
Infos : 06 95 53 84 02. https://www.brasserielabaroude.fr.

OLIVIER RICHIER PRÉFÈRE LES BIÈRES CRUES
BRASSERIE LA PAGAILLE À MÉRINDOL
Olivier Richier est l’heureux patron de La Pagaille « brasserie villageoise » installée à Mérindol, dans le garage de sa maman où tout a commencé il y a quatre ans. L’ancien plombier qui vit de son fourquet à temps plein depuis trois ans, s’est formé sur le tas, passionné par la biochimie de la bière, de la transformation des céréales jusqu’à la fermentation. Avant de trouver « ses bières à lui », Olivier Richier a brassé beaucoup. Il est allé voir comment ça se passait chez d’autres brasseurs du coin, dans le Gard, en Ardèche et ailleurs. Il a beaucoup lu aussi pour finalement s’orienter vers les bières crues. « On n’est pas beaucoup en France à faire ça. On ne fait pas bouillir le moût. C’est une méthode ancestrale qui se pratiquait partout et qui se pratique encore dans les fermes en Scandinavie. On ne dépasse pas les 80°. On utilise des levures spécifiques. Ça donne des bières céréalières, gourmandes. C’est un process qui n’a pas besoin de beaucoup d’énergie et c’est ce qui m’a plu », explique Olivier Richier. Sa gamme reflète bien son esprit d’aventure. Il y a les blondes, une American Pale Ale aux notes fleuries et fruitées, une Triple d’inspiration belge qui titre à 8,5% et une au chanvre de Mérindol, fruit d’un passage chez Sébastien Trousse, des Ouailles du Luberon à Cheval-Blanc qui en produit aussi. Il y a les blanches, une sur un profil d’IPA, une autre parfumée à la framboise et encore une autre à la fleur de sureau qui se taille un joli succès depuis l’été dernier. Moitié blé, moitié orge, aux notes acidulées de la fleur de sureau, le brasseur lui a ajouté son grain de poivre de Timut, pour ses notes d’agrumes. Et il y a les ambrées, l'une aux poivres arômatiques, l’autre fermentée au miel de Mérindol. Et ce n’est pas fini, car Olivier Richier s’est trouvé d’autres champs d’exploration : l’hydromel et le cidre.
Infos : 06 66 44 75 51. https://www.brasserielapagaille.com.