LES OUAILLES : DES BIÈRES ÉLEVÉES AU PIED DU LUBERON
- Nathalie Vergier
- 11 juin
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 18 juil.

LIEU : CHEVAL BLANC
DATE DE CRÉATION : 2017
BRASSEUR(S) : SÉBASTIEN TROUSSE
Une ferme face au petit Luberon
Le kit de brassage glissé sous le sapin ou offert pour un anniversaire est à l’origine de bien des vocations de brasseurs ET brasseuses. Parfois, l’aventure se poursuit mais ne dépasse pas les murs du garage et les apéros entre copains. Parfois elle va plus loin.
C’est le cas de Sébastien Trousse qui a testé le métier et ses recettes en activité secondaire, dès 2017, auprès des clients du café-épicerie de Cheval-Blanc, avant de quitter son poste d’ingénieur en 2022, pour se consacrer à ses « Ouailles » (« brebis » en ancien français) à plein temps.
Après l’obtention du DU de technicien en process brassicole délivré par l’Université d’Avignon et soutenu par les banques, il quitte son garage pour installer sa brasserie dans la ferme de son arrière grand-mère, face au Petit Luberon à la sortie du village.
« En attendant l’arrivée du matériel et la fin des travaux, soit une petite année, j’ai brassé à façon 3 000 litres de blonde, blanche, ambrée chez Bulles de Provence (brasserie du pays d’Aix, Ndlr) ». Une pratique assez répandue dans le milieu brassicole, comme dans d’autres secteurs, qui consiste à louer le matériel d’un confrère pour brasser sa propre bière.
Matériel : qualité et productivité
Le brasseur a opté pour un matériel en isobare métrique, plus cher mais présentant de nombreux avantages.
« Le fait de garder toute la pression permet de gagner une à deux semaines de refermentation en bouteille, de conserver tous les arômes et d’éviter les risques de contamination et le dépôt généré par le ressucrage. On a une meilleure qualité Pas besoin d’une zone de stockage à 20°. »
L’eau utilisée, soit dix hectolitres par brassin, est celle du village. Les cuves sont chauffées à la vapeur, ce qui permet des montées en température précises et rapides. La brasserie est équipée d’un fermenteur de 10 hl et de six fermenteurs de 20 hl, de manière à optimiser la production en période de forte demande notamment l’été, et de faire des bières à façon.
Les hangars réaménagés abritent désormais la salle de brassage et de conditionnement ainsi que l’espace de stockage dont l’agrandissement avec chambre froide sont en projet.
Une troisième année toujours sur le fil
La brasserie entre dans sa troisième année, toujours sur le fil comme beaucoup de petites entreprises artisanales. Difficile encore pour Sébastien Trousse d’en vivre mais il a pu prendre pour le seconder deux alternants, Lucie pour la vente et l’événementiel et Maxime pour la production et l’événementiel. Jolan, stagiaire en BTS Bioqualim au lycée agricole Pétrarque dont les élèves sont venus apprendre à brasser à Cheval Blanc au mois de mars, a travaillé sur le développement du soft qui devrait faire son entrée sous peu, en plus d’une bière sans alcool déjà présente.
Le « au plus près » coeur de cible
Une aide substantielle qui permet à Sébastien Trousse de libérer du temps pour la partie commerciale. Comme la majorité des micro-brasseries, il cultive le « au plus près ».
«Quasiment chaque commune a sa brasserie artisanale. Le local c’est notre coeur de cible, les café-restaurants surtout, quelques cavistes et épiceries fines mais toujours au plus près. Je pense que c’est là que l’on a de la crédibilité.»
Idem pour les ingrédients qui rentrent dans la recette des douze bières de sa gamme.
« L’Envie de faire soi-même»
Avant les premiers brassins, il y a eu le pain, les fromages, la confiture et même la charcuterie…. On découvre au fil de la discussion que l’ingénieur électricien de formation a toujours eu « l’envie de faire lui-même » comme autrefois le paysan qui vivait de ses terres en quasi autonomie…
Une orge chevalblanaise
Dès 2024, deuxième année d’existence de sa ferme brassicole, Sébastien Trousseau a commencé la culture de l’orge sur plusieurs parcelles autour de la ferme.
« Ici on est en zone agricole, pour y rester, je me devais de garder une activité agricole. »
Un passage obligé mais qui avait du sens puisque les Ouailles peuvent désormais afficher sur leur étiquette un malt « maison » et qui génère pour l’entreprise un débouché supplémentaire. Sur les 18 tonnes récoltés l’année dernière, la quasi totalité a été vendue, une partie a été utilisé par le brasseur qui table cette année sur 25 tonnes.
Bientôt un malt de Provence
Le maltage* est pour l’instant sous-traité chez Art Malt Bio en Ardèche, en attendant qu’un projet de malterie provençale près de Sisteron sorte de terre. Le permis de construire a été déposé, le projet d’envergure qui vise à démarrer une filière « céréales brassicoles », est porté par les acteurs Paca du secteur, dont plusieurs brasseurs vauclusiens membres de l’association Bières de Provence. La production du premier malt Paca est espéré pour 2026.
(*) Etape très spécifique de conversion de l’orge en malt qui consiste à faire germer la céréale puis à la tourailler (ou griller) plus ou moins suivant les arômes et couleurs, le style de bière que l’on veut obtenir)
Et la réglisse locale réhabilitée
Qui dit malt dit bière mais dit aussi whisky. Ils sont quelques-uns ici et là à s’essayer à ce spiritueux. Sébastien Trousse qui « aime faire lui-même » a produit son premier whisky distillé chez un confrère à Cavaillon et vieilli en barrique à la brasserie. La réglisse qui pousse à l’état sauvage un peu partout sur l’exploitation lui a donné l’idée aussi de faire son propre pastis artisanal à partir d’une bière non houblonnée distillée et d’épices macérées.

Des bières gourmandes
La gamme des Ouailles, en référence à la fois à l’élevage ovin emblématique de ce côté-ci du Vaucluse et aux adorateurs des boissons houblonnées du bon pasteur Sébastien Trousse, constitue déjà un petit cheptel. Elles sont douze chacune baptisée du nom d’une race de chèvre ou de brebis. Il y a les classiques d’abord qui constituent 90% des ventes de la brasserie. Il faut dire qu’à elles seules elles comblent déjà un large panel d’amateurs de mousse et ont toutes un petit truc en plus. La blonde Duan bière de soif par excellence et l’IPA Nachi exalte l’arômatique grâce à un houblonnage à froid, l’ambrée Rove parfumée à la confiture de citre (appelée gigerine en Provence) et à la pâte de coing, la blanche Sannen zestée de citron et d’orange frais du matin, la brune Angora et son subtil arôme de cacao en rétro-olfaction. Sébastien Trousse élabore ses bières avec gourmandise.

Sans alcool ou presque
C’est encore plus le cas pour les spéciales ou de saison, notamment la Mohair bière d’hiver ambrée aux épices qui fait un carton sur les marchés de Noël, la Lovita et la Barbarine ses deux bières aux fruits cultivés à Lagnes avec de vraies prunes et de vraies cerises dedans ! On a envie de dire « vivement l’été ! ». La Nadji une étonnante et réussie bière au chanvre de Lauris et la puissante Boer dans la grande tradition belge complètent la gamme. La Grivette « sans alccol » (0,7%) qui a fait son apparition cette année à la demande de ses clients restaurateurs est une « petite IPA » selon le brasseur qui ne voulait pas d’une bière sans alcool et sans caractère comme souvent.
Toutes sont « bio » à l’exception de la Sundgau, Pils à petit prix, commercialisée en fût pour les associations.
Dans les années à venir et pour certaines dès cet été, trois nouvelles boissons sans alcool devraient venir enrichir la carte des Ouailles : une limonade, un cola et une ginger beer avec toujours une majorité d’ingrédients locaux et naturels.
Veaux, vaches, cochons… et ouailles
En janvier, l’équipe des Ouailles du Luberon a été invitée à rejoindre la vitrine du département de Vaucluse sur le Salon de l’agriculture. Mais cette occasion rare de valoriser les produits et les savoir-faire locaux à la Capitale n’a pas été à la hauteur des espérances de Sébastien Trousse.
« Entre la préparation et l’événement lui-même, nous y avons consacré un mois de temps et le résultat sur investissement n’est pas ouf. »
Mauvaise pioche en effet cette année pour les artisans et producteurs du 84 qui placés dans le hall 7 n’ont pas eu la faveur du public. « Les Bouches du Rhône ont renoncé pour cette raison. J’aurais dû faire pareil. Ça m’a mis en difficulté pour ce début d’année. »
Débouchés et projets
Bières à façon : pour des brasseurs avec petite unité de production qui ont une demande plus importante (4 clients).
Boulangerie la croûte céleste qui veut valoriser le pain invendu. On lui brasse sa bière, on lui fait son étiquette et on lui livre les bouteilles prêtes à être vendues.
On a aussi un ascensoriste belge qui préfère offrir à ses clients des bières avec une étiquette à son nom plutôt que des chocolats à la fin de l’année.
Un domaine viticole qui veut se diversifier avec leur moût de raisin.
Un whisky avec un moût avec nos céréales qu’on fait distiller puis vieillir en barrique (200 litres) sur la brasserie. La garde, la finition à étudier plusieurs méthode d’élevage.
Les objectifs de 2025
Réaménager une partie des locaux en laboratoire
Refroidir le frigo : « On a déjà une pièce de 50m2 qui est isolé à chaleur constante qui nous permet déjà de maîtriser les variations de température en particulier l’été mais on souhaiterait pouvoir frigo réfrigérant refroidir à 10° par que les bières qui sortent de la brasserie soient comme si on les avaient embouteillées la veille notamment les blanches et les IPA sensibles. »
Ouvrir la brasserie à des événements, chapiteau une première avec un food truck 110 burgers un par mois. Le calendrier est en cours, le plus dur c’est de trouver les food trucks
Marché de Petit Palais samedi matin pas plus peut-être le dimanche matin. Il faut du temps. Nous est plutôt sur les cavistes et restaurateurs. On a le matériel industriel pour produire pas mal donc plutôt sur ce créneau.
Embaucher l’alternante web marketing à l’issue de son cursus.
Festival des bières de Cabannes, Courthézon, LeThor, Terroir en fête,
Vélo route à Bonnieux
Les Festines à Cheval Blanc
Contact & INFOS : http://ouailles-luberon.fr/


